Archives mensuelles : mars 2011

Politique de Gribouille

Retour au XIX° siècle ?

Je n’ai pas trop envie de commenter les soubresauts de la droite qui semble saisie des symptômes de l’agonie. Lisez votre journal habituel, ça se passe de commentaires.

C’est le retour en force du poujadisme qui me frappe le plus : vous êtes trop jeunes pour vous rappeler les slogans du mouvement d’extrême-droite qui permit la première élection de LE PEN à l’assemblée nationale en 1956 : “Sortez les sortants !” Or le Front National, que la fille a hérité du père, reprend désormais les mêmes recettes, plus tolérables que la nostalgie des anciens OAS, voire des anciens collabos ! Pourtant, en 1956, le “Front républicain”, dont la figure de proue était Pierre MENDES-FRANCE, avait remporté les élections malgré la percée poujadiste (52 députés et plus de 2 millions de voix quand même !) Mais la SFIO – le PS de l’époque -, tout à son combat de petits chefs, avait obtenu la désignation de Guy MOLLET, réputé plus à gauche que PMF, comme Président du Conseil (premier ministre). Et c’est ce gouvernement-là, élu pour obtenir la paix en Algérie, qui y fit la guerre et abandonna le pouvoir aux militaires. Lesquels, après le coup d’état du 13 mai 58, installèrent DE GAULLE aux commandes. Que le général les ait cocufiés ensuite, est une autre histoire.

Bien sûr, l’histoire ne repasse pas deux fois le même plat. Il n’empêche que la situation est loin d’être aussi favorable à la gauche qu’on pourrait le croire. Alors qu’aurait dû se produire un raz de marée rose à ces élections, on a vu nombre de cantons gagnés par une droite pourtant en mortes-eaux. C’est dire que la vague ne pousse guère les socialistes, parti de vieux notables dont les jeunes d’aujourd’hui se désintéressent. Face à la montée du poujadisme qui dénonce le “système”, le PS, en 2012, pourrait bien sortir encore une fois de son chapeau un(e) chef de file dont il a le secret, avec un charisme de hareng-saur et une politique d’anguille. Dans ce cas-là, ce ne serait pas l’anarchie qu’il faudrait craindre comme au XIX° siècle, mais le retour en force de la droite réactionnaire, le triomphe de l’individualisme, la défaite de la solidarité, bref : “Sauve qui peut !”

Les jeunes s’en fichent, les pauvres se fâchent

imageN’allez pas voter, ça ne sert à rien, c’est ringard : tous les jeunes vous le diront. De toute façon, il n’y en a pas un pour racheter l’autre, c’est bien connu,  et gauche ou droite, c’est du pareil au même. “UMPS ! ” exactement le discours que répètent à l’envi les candidats du Front National quand ils arrivent à ouvrir la bouche et lever le bras droit en même temps. Faut pas trop leur demander.

L’un des enseignements les plus inquiétants de ces élections cantonales est le nombre de citoyens qui n’ont pas jugé utile de se déplacer au bureau de vote proche de chez eux. Je ne crois guère à la pertinence des sondages d’opinion, mais quand ils sont unanimes sur le résultat des votes, ça donne à réfléchir. Plus des 3/4 des jeunes de 18 à 24 ans n’ont pas voté, quand cette proportion se réduisait à 1/3 pour les vieux de plus de 60 ans ! Autant dire que les jeunes n’attendent plus rien de la politique. Et on retrouve les mêmes caractéristiques pour les pauvres et les prolétaires : plus on est pauvre, moins on vote.

Ce qui fait froid dans le dos, c’est que l’électorat du Front National qui n’a même plus honte d’être xénophobe depuis que les ministres et le président de la république tiennent ouvertement le même discours qu’eux, a quasiment les mêmes caractéristiques. La majorité des ouvriers vote aujourd’hui à l’extrême-droite.

Ce soir, on va entendre toutes sortes de savants experts pérorer sur les plateaux de télévision. Les politiques vont s’évertuer à démontrer “qu’ils ont gagné”, “qu’ils n’ont pas trop perdu”, ou “qu’ils gagneront à la prochaine occasion”. Mais la réalité, c’est que même si la droite perd encore quelques plumes dans la bataille, la seule dynamique aujourd’hui n’est pas celle de la gauche comme ce devrait être le cas, quand l’incompétence de SARKOZY lui ouvre un boulevard, mais la colère qui monte chez les pauvres gens qui n’en peuvent plus et votent pour les plus démagogues : “la droite, la gauche, c’est pareil, essayez l’extrême-droite!”

Quand, l’an prochain, la “respectabilité” de Marine LE PEN aura été certifiée par les médias – elle est une femme, elle ne dit pas de grossièretés, elle ne fait pas de blagues racistes ou antisémites – on pourra passer à la deuxième partie du plan des conservateurs : l’alliance nationale (c’était le nom du parti qui a succédé au parti néofasciste italien, le MSI) de droite et d’extrême-droite pour faire réélire SARKOZY.

Qui ne dit mot consent ! Encore toutes nos félicitations aux abstentionnistes.

Oh Barbara, quelle connerie la guerre !

Yasukuni_1Depuis une semaine, je ne peux plus écrire, tétanisé par le tremblement de terre au JAPON et le tsunami qui l’a suivi : quelques mauvais souvenirs me sont revenus en voyant à la télévision des images qui paraissaient préfigurer l’apocalypse. La vibration qui vous remonte dans le corps depuis le bas des jambes, et surtout le grondement qui l’accompagne, je ne les ai pas oubliés. C’était au FRANCOIS, en Martinique, un matin où je faisais passer l’oral du baccalauréat à une jeune fille qui s’est brusquement arrêtée de parler et m’a regardé fixement ; je lui ai seulement dit ce qui me passait par la tête : “si ça recommence, on sort dans la cour !” C’était idiot, mais je n’ai rien trouvé de mieux…

Quant au tsunami de décembre 2004, j’ai eu une chance insolente, à 48 heures près : j’étais à CEYLAN, en montagne, et je m’apprêtais à descendre sur la côte sud de l’île pour y flemmarder au bord des plages. Je n’ai rien vu, à part les cohortes d’éclopés qui tentaient comme nous de prendre un avion pour quitter COLOMBO. De toute façon, il ne restait rien des stations balnéaires, submergées par une vague géante. Connaissant le JAPON, ses petites maisons en bois et ses habitants placides, je n’ai pu m’empêcher de songer à l’horreur de cette mort qui vient vous saisir au collet et vous broyer dans l’instant.

Et puis voilà que le jour d’après, c’est la catastrophe nucléaire ! Et on n’en est toujours pas sorti. Je ne parle pas des retombées radioactives qui mettront bien sûr des dizaines d’années à se résorber et condamneront toute une région de ce merveilleux pays à être abandonnée, mais du risque encore actuel d’une déflagration incontrôlable. Les experts autorisés nous avaient pourtant juré qu’il y avait aussi peu de chances pour qu’une conjonction d’accidents naturels provoque la destruction d’une centrale nucléaire, que pour un joueur de gagner des millions d’euros au loto. Et pourtant, il arrive qu’il y ait des gagnants ! Une chance sur 14 millions, c’est une probabilité infime. Et pourtant il y a des gens qui achètent leur ticket de loterie chaque jour. 1979 Three Mile Island, 1986 Tchernobyl, 2011 Fukushima… A quand le prochain gros lot ? Les habitants de TOKYO vont-ils encore se recueillir au temple Yasukuni où on vénère les âmes des soldats morts pour la patrie – même les criminels de guerre – comme cet ancien combattant que j’avais photographié avec le drapeau fasciste de l’ancien Japon impérial ? Comment font-ils pour surmonter leur angoisse s’ils arrivent à la masquer, tradition culturelle oblige ?

Et pour finir, la guerre ! Je sais bien que Kadhafi est un fou furieux, qu’il faisait tirer sur ses concitoyens de Libye par ses mercenaires et sa soldatesque à coups d’obus et de mitrailleuses 12.7… Il n’empêche. Ces campagnes aériennes de bombardements ne me disent rien qui vaille. IRAK 1991, SERBIE 1999, AFGHANISTAN 2001, IRAK 2003, LIBYE 2011. A quand le prochain tirage du loto ?

Je ne peux m’empêcher de songer à ce qu’écrivait PREVERT :

Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Apocalypse sismique, guerrière, ou nucléaire, qu’importe. Autant le dire franchement, je n’ai pas le moral.

Vive le féminisme !

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L’étonnant résultat du sondage Harris Interactive pour Le Parisien qui donne Marine LE PEN en tête de course présidentielle, appelle plusieurs remarques :

  1. Ce sondage n’a été fait que par Internet (sans contact direct avec les personnes interrogées, même par téléphone). Cet institut de sondage peu connu a même organisé une loterie (7000€ de prix) pour appâter les participants au “panel” de “votants”. On peut donc émettre toutes les réserves sur la méthode employée, tant les manipulations sont fréquentes dans ce business . Il suffit de lire les commentaires de tous les sites d’information pour constater le travail de sape opéré par tous les “trolls” de droite et d’extrême-droite. Encore certains propos racistes ou diffamatoires sont-ils censurés par les “modérateurs” de ces sites…
  2. Le Parisien lançait ce weekend sa nouvelle formule de magazine. Quel meilleur moyen de publicité que de créer le “buzz”, comme disent les Internautes, en mijotant un sondage aux petits oignons ?
  3. Paradoxalement, ce sondage pourrait bien servir les intérêts de SARKOZY. Celui-ci est persuadé que sa seule chance de l’emporter en 2012 est de faire un score important au premier tour de l’élection, en rassemblant toute la droite. Agiter l’épouvantail de l’extrême-droite est le meilleur expédient pour dissuader les VILLEPIN, MORIN, voire BORLOO de se présenter. En outre, grâce à ces sondages bizarres où l’ensemble de la gauche et de l’extrême-gauche n’atteignent que 40% des voix, quand la droite cartonne à 60%, FILLON peut proclamer que “SARKOZY est le meilleur et le seul candidat de droite”, et COPE, annexant sans vergogne les voix du FN, que la droite est en mesure de gagner une fois de plus les élections présidentielles. Et bien sûr, si le scénario de 2002 se reproduisait avec l’élimination du candidat socialiste, ce serait le pompon !
  4. Enfin la candidature de Marine LE PEN est une bénédiction… Elle a un langage plus moderne, une apparence plus affable que Papa… Et surtout, c’est une femme ! Et voici bien le paradoxe : de même que mai 68, constamment vilipendé par SARKOZY, lui a ouvert les portes de l’Elysée, malgré ses frasques conjugales, grâce à la liberté de mœurs dont il a hérité , de même, la prépondérance des idées féministes depuis plusieurs années émousse singulièrement les attaques contre la petite LE PEN. Il est désormais de très mauvais goût de traiter une femme de “conne”, même quand elle dit des conneries, sous peine d’être accusé de “machisme”. La brièveté de mon propos ne me permet pas d’en faire l’inventaire, je vous en laisse le soin. Mais affirmer que Marine est plus présentable que Jean-Marie, et que le FN n’est plus le diable depuis que la fifille dénonce les musulmans et non plus les immigrés comme le papa, c’est prendre les électeurs pour des cons ! Et je ne serais pas surpris si la droite classique de l’UMP ne finissait par proposer une alliance en bonne et due forme à l’extrême-droite du FN, plus “présentable” depuis qu’elle est incarnée par une femme, et que les fascistes du “canal historique” sont trop vieux et ringards pour lui disputer la place.

Bref, en ce 8 mars, dédié à la “cause des femmes”, il paraît opportun de célébrer l’une de ses avancées tout à fait paradoxale.